Hysteria | New Born | The Small Print | Sing for Absolution | Muscle Museum | Citizen Erased | Ruled by Secrecy | Sunburn | Butterflies & Hurricanes | Bliss | Time Is Running Out | Plug in Baby || Apocalypse Please | Stockholm Syndrome
Il y a 20 ans, je commençais ma carrière de photographe-journaliste… avec un quatre-pages dans RockMag. Ce n’était que mon 33e concert, je ne savais pas ce qu’était un diaphragme… et je me déguisais en rock critic photographe de pointe dans la presse nationale. Avec le recul, j’y vois là un très bel exemple de charrue mise bien, bien avant les bœufs.
Ces 4 ans chez RockMag furent terribles. Par ce que j’y ai vécu, par ceux que j’y ai rencontrés, parce que ça m’a permis d’apprendre et d’évoluer. J’y reviendrai de temps en temps au fil des anniversaires qui suivront.
Merci Nico, encore une fois, de m’avoir laissé ma chance à l’époque.
Je vous laisse avec l’article original ainsi que la galerie de photos [risibles] plus historiques qu’autre chose.
Après deux tentatives infructueuses, les gars de Muse ont décidé de revenir aux USA pour s’imposer auprès du public américain. Cette fois-ci, le groupe a sorti le grand jeu : gros label, grosse tournée, gros festival. Cela va-t-il marcher ? Le trio fera-t-il sa loi sur les scènes US ? Le mieux c’est encore d’aller voir ce que ça donne sur place, sur le terrain de jeu favori de Muse : le live.
Au football américain, Pour marquer des points, le meilleur moyen c’est d’avoir un gros copain, avec un gabarit de déménageur. Tu l’envoies devant, il joue son rôle de bulldozer et tu n’as qu’à courir derrière avec le ballon. Le gros copain de Muse, c’est Warner Music. Un label musclé qui a décidé d’emmener le ballon Absolution à l’autre bout du terrain. Sans détours. L’album est donc sorti le 23 mars dernier, et à l’heure où j’écris ces lignes, Time Is Running Out est la 29e chanson la plus diffusée par les radios alternatives. En gros, grâce à Warner, Muse ont enfin gagné quelques yards de plus en Amérique.
Kick your ass !
Et le deuxième va faire mal. Un coup de pied dans le cul des USA, sous la forme de ce que Muse maîtrise le mieux, des concerts. En reprenant tout depuis le début, dans des salles de taille moyenne où le public t’est tout sauf acquis, et où il faut se battre pour survivre dans ses oreilles. 19 dates, d’Atlanta à Vancouver, comme autant de défenseurs à plaquer au sol à grands coups de riffs. Le plus gros morceau ? La participation au festival Coachella, en Californie, le 2 mai, devant 70 000 personnes.
À New York, les places se sont vendues en une heure. La plupart des dates sont sold-out. Muse est apparemment attendu. Et l’idée de conquérir l’Amérique a aiguisé leur appétit. À peine débarqués, ils sortent les crocs. Choper le pays à la gorge, sans lui laisser le temps de réagir. À Atlanta, le 9 avril, pour le premier concert de la tournée, Matthew Bellamy a tellement faim qu’il en mord sa guitare en plein Citizen Erased. Faut-il voir là la vengeance de toutes ses consœurs qu’il a brisées ? La guitare gagne, le sang gicle. Le chanteur finit à l’hôpital pour faire suturer sa lèvre ouverte pendant que tout le monde va se coucher. L’accident illustre bien la relation que Muse ont entretenu ces quatre dernières années avec les États-Unis. Jusque-là, toutes les tentatives d’incursions du groupe se sont terminées en autant de râteaux musicaux. Pourtant, c’est là que tout a commencé, le soir de Noël 1998 ! À l’époque, le cadeau vient de Maverick, qui signe Muse à Los Angeles très peu de temps après Taste Media en Angleterre. Le label de Madonna les a repérés deux mois plus tôt lors d’une espèce de grande kermesse musicale à Manchester. Cette première signature en précède toute une flopée, notamment en France chez Naïve et dans le reste de l’Europe. Maverick permet à Muse de revenir l’été suivant pour 6 dates, dont une apparition lors de Woodstock 99.
Misère, les USA m’usèrent
Ça commence donc bien, mais la suite est paradoxale. En Europe, Muse est de tous les festivals, défendant Showbiz sur scène avec une énergie folle. 700 000 copies de l’album sont vendues. En 2000, le groupe s’attaque au Japon et à l’Australie et repart pour 19 dates aux États-Unis, pour la plupart en compagnie des Red Hot Chili Peppers. Les résultats sont (encou)rageants : des critiques positives, mais aucun impact notable de Showbiz et Muscle Museum sur le public US.
Quand, en 2001, Origin Of Symmetry enfonce le clou partout dans le monde, Maverick essaie bien d’imposer Muse aux States. Plug In Baby est réenregistrée pour le marché américain et doit précéder la sortie de l’album, qui sera promu par une tournée à travers le pays. Mais le single ne perce pas. Le label décide d’arrêter sa collaboration et annule la sortie d’Origin Of Symmetry et la tournée. Le groupe se concentre alors sur l’Europe et le Japon, qui lui réservent un accueil beaucoup plus joyeux. L’éponge américaine est jetée, le DVD Hullabaloo ne sera même pas édité là-bas. Les gars de Muse laisseraient-ils tomber tous leurs espoirs de conquête ? Fin 2002, l’affaire Céline Dion laisse penser le contraire : Madame Titanic veut intituler son show de Las Vegas Céline Dion Muse. Possédant les droits de la marque Muse, le groupe s’y oppose fermement. La raison invoquée est qu’il compte toucher l’Amérique avec le prochain album et qu’être confondu avec les musiciens de la Québécoise serait plutôt – voire très – malvenu.
Jamais 2 sans 3
« Avec de tels chiffres [de ventes de disques à travers le monde], vous devez vous demander où étaient Muse pendant tout ce temps ». La phrase est tirée du communiqué de presse accompagnant la sortie d’Absolution en Amérique du Nord. Une question pertinente quand on regarde ce qu’on retient de Muse aux États-Unis : 25 concerts, la plupart en première partie d’autres groupes, trois participations à des BO de films made in USA – Not Another Teen Movie, Little Nicky et Swordfish – et l’apparition furtive de Muscle Museum et Plug In Baby sur les ondes locales. Plutôt maigre. On comprend qu’après ça, le public US puisse se demander d’où sortent ces gars-là. Mais cette fois-ci, Muse est bien décidé à y arriver. À Atlanta, le trio est prêt à en découdre, avec les conséquences que l’on connaît sur la bouche de Matthew Bellamy. Heureusement, seul le concert de Philadelphie est annulé, et les trois gars sont repartis à l’assaut du continent américain en commençant par New York.
Mais concrètement, comment le public accueille-t-il Muse ? Des statistiques de ventes d’albums et de passage radios, c’est bien joli, mais le mieux, c’est d’aller voir par nous-même ! Ce sera bientôt chose faite dans le fief des White Stripes et d’Iggy Pop.
Détroit Rock City
Détroit, 22 avril 2004. Des gratte-ciel gris, du béton partout et un gros casino qui clignote. Au milieu de tout ça, on trouve le St. Andrew’s Hall, une espèce de vieille salle de concert en brique, devant lequel une file de gens trépigne. La queue s’étend, interminable. De l’entrée, elle fait le tour du bâtiment, repasse derrière, traverse le parking et va finir un bloc plus loin. Il faut dire que c’est gratuit. Une radio locale a décidé de faire dans la bienfaisance et d’offrir une bonne dose de Muse aux premiers arrivés. Et avec pas plus de 800 places disponibles, il fallait se lever de bonne heure pour entrer. Quand les portes se ferment et que les videurs commencent à refuser du monde, la queue des gens frustrés entoure encore le Saint Andrew’s Hall. Une fois à l’intérieur, je réalise à quel point je suis veinard : la salle est ridiculement petite. Ce soir, je vais avoir Muse dans mon salon. Un balcon coure le long des murs, donnant à l’endroit de faux airs de théâtre. Je monte, histoire d’avoir une vue imprenable sur la scène. Un peu curieux sur les bords, je pose la question autour de moi : « qu’est-ce qui vous a motivés pour venir ? ». Tous ceux qui m’entourent me répondent la même chose : « Un concert gratuit, c’est toujours bon à prendre. Muse ? Oui, j’ai entendu une chanson, c’est pas mal. » De là, j’en déduis que la soirée va être intéressante : le groupe va se retrouver devant une assemblée de gens qui les connaissent pas ou peu. Un test grandeur nature des capacités de Muse à conquérir son public.
La sortie s’il vous plaît ?
La salle se remplit petit à petit. La foule s’impatiente un peu, puis se trouve d’autres occupations. Le stand de merchandising est pris d’assaut. Le bar est envahi. Et quand The Exit arrive sur scène, personne ne fait gaffe à eux. D’ailleurs, le trio new-yorkais sert un set dont il n’y a pas grand-chose à retenir. Une pop gentille, qui ne casse pas les briques du Saint Andrew’s Hall. La demi-heure qu’ils nous offrent sonorise bien l’apéro auquel tout le monde se livre. On a même droit à une démonstration de guitare sans fil par leur guitariste. Le mec casse sa bandoulière au début d’une chanson. Il se tortille pour l’empêcher de tomber sur son solo et finit par abdiquer en terminant la chanson assis. La foule est indifférente, sauf quand le chanteur parle de Muse. Après 7 chansons, The Exit s’éclipse, sur des applaudissements polis qui traduisent un accueil des plus tiédasses. À voir la frilosité ambiante, je me dis que tout reste à faire pour Muse. En théorie, tout le monde semble être venu pour un concert gratuit. Les Anglais font plus office de curiosités qu’autre chose. D’après mes sondages, c’est à peine si on sait de qui il s’agit. Reste que l’accueil qu’ils reçoivent quand ils montent sur scène me prouve bien que la pratique n’a rien à voir avec la théorie.
American Hysteria
À peine Bellamy entame-t-il l’intro d’Hysteria que la moitié de la salle se met à hurler. Le chanteur s’emballe et multiplie les effets sur sa guitare. Derrière, Wolstenholme et Howard suivent. La scène est minuscule, sans artifice. Loin de l’Europe et de ses bases, Muse est venu sans écran géant, sans ballon et sans piano lumineux. La seule arme qu’il leur reste pour en mettre plein la vue du public, c’est la musique. Et pour cela, la setlist est soignée. Après Hysteria qui prend tout le monde par surprise, Muse enchaînent sur New Born et Thoughts Of A Dying Atheist. Bellamy est tellement à fond qu’il ne s’arrête même pas de jouer pour boire un coup ! Sing For Absolution laisse entrevoir une accalmie de courte durée, avant que Muscle Museum ne relance la machine. Le public chante en cœur. Décidément, les fans américains de Muse existent, je les ai rencontrés. Au fil du concert, on sent la tension monter dans la salle. Plus les titres passent et plus le public se bouge. Le groupe le sent et se donne encore plus. Citizen Erased est ravageur, Ruled By Secrecy planant. Sunburn est acclamé, avant un Butterflies And Hurricane grandiose au milieu duquel on a droit à une impro mémorable. À partir de Bliss, la fosse commence même à ressembler à une fosse, ce qui n’est pas des plus répandus aux États-Unis. Entre ceux qui connaissent Muse et ceux qui les découvrent ce soir, Time Is Running Out met tout le monde d’accord. Le single est l’apothéose du concert, ça en pogote presque, et j’en vois un ou deux slammer. Le public est achevé sur Plug In Baby, qui clôt les débats pour quelques minutes.
Quand Muse quitte la scène, l’excitation est à son comble. Je n’ai jamais vu ça auparavant ici. D’habitude le public de Détroit attend sagement, les bras croisés, que l’on revienne pour un rappel qui lui est dû. Là, l’assemblée trépigne et frappe dans ses mains en hurlant « MUSE !! » à tue-tête. Au bout de quelques minutes, enfin, ils reviennent. Dominic Howard entame Apocalypse Please, l’audience reprend en tapant du pied, et Muse part pour un final magistral, couronné par Stockholm Syndrome. Bellamy finit juché sur son ampli renversé, le bras levé, son micro à la main. La salle est conquise alors qu’il reste dessus, et salue longuement. Le Saint Andrew’s Hall chavire, l’ovation est des plus longues, Muse est venu et a vaincu. La soirée se termine comme elle avait commencé, avec une longue file qui serpente, cette fois-ci d’un bout à l’autre de la salle. Howard, Bellamy et Wolstenholme signent des CDs Absolution à tour de bras. Proches du public, ils posent en photo, serrent des mains, font des sourires… Une ville de plus vient de succomber à l’effet Muse. Si tous les concerts de la tournée sont dans la veine de celui-là, il y a fort à croire que le pari américain va être gagné.