Cet article fait suite à 704, publié le 16 novembre dernier.
On ne m’a pas accrédité, comme la première fois. C’est grâce à lui et grâce à elle que j’ai pu avoir une place1, comme la première fois. Puis il m’a dit qu’il ne pourrait venir qu’à 21 h, comme la première fois. J’y ai vu un signe : cette soirée doit recommencer de la même manière et s’achever autrement.
Cette poétique théorie se casse la gueule dès notre entrée dans l’Olympia. Nous n’arrivons pas au milieu du concert, comme la première fois. Le groupe a 35 min de retard. Les lumières s’éteignent à notre entrée, comme si l’on n’attendait plus que nous. Une clameur incroyable s’élève dans la salle et couvre la sono qui joue Dutronc. Il est cinq heures, Paris s’éveille. Paris se réveille, oui. Paris hurle une ovation comme je n’en avais vécue depuis longtemps. Un public fou, subitement libéré, qui applaudit chaque mot, allonge le moindre refrain sur des minutes entières (Got a Woman), se secoue comme si c’était la dernière fois, slame sans relâche et démontre une fois de plus qu’on ne se sent jamais si vivant que lorsqu’on a frôlé la mort.
Le groupe rayonne mais reste sobre, n’ajoutant presque rien à sa coutumière grandiloquence et évitant soigneusement de tomber dans le pathos. À peine Jesse Hughes évoque-t-il les évènements, s’en tenant à quelques allusions, à une guitare tricolore, à un T-shirt de circonstances ou à cette poignée de secondes de silence pendant I Only Want You pour « se souvenir ». Pas la peine d’en faire plus. Nous tous qui sommes là, public, artistes et pros, y étions déjà ; nous tous qui sommes là avons en tête les visages de ceux qui n’y sont pas, de ceux qui n’y sont plus, de ceux dont la vie sera à jamais bouleversée. Il suffit de croiser le regard pour se comprendre mutuellement. Les mots sont inutiles. J’en vois quelques-uns pleurer, d’autres sourire, d’autres se serrer très fort. Une communion. Un rassemblement. Une célébration. Exactement ce qu’il nous fallait.
Ces aspects mis à part, et si l’on fait abstraction de la sécurité renforcée autour de l’Olympia, ce fut un concert d’Eagles of Death Metal normal. Celui que nous aurions dû avoir le 13 novembre dernier. Celui qui n’aurait pas dû finir atrocement. Je suis venu ce soir pour boucler une boucle, faire un dernier tour en arrière avant de repartir de plus belle vers l’avant. En mécanique spatiale, on appelle ça l’assistance gravitationnelle. L’image n’est pas très séduisante, mais je n’en vois pas de meilleure.
PS : J’ai pu prendre cette photo grâce au Sony RX100 IV de Seb Houis, avec lequel il m’a gentiment laissé jouer hier soir. Quel rusé petit engin (pas Seb Houis ; le RX100). Mille grâces lui soient rendues (pas au RX100 ; à Seb Houis).
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1. « Toutes les personnes présentes au Bataclan seront invitées à l’Olympia ». Mes fesses, oui.