Champ de Mars, Paris, 28 septembre.
Ce qui m’a frappé, en traversant la ville, c’est le nombre de gens sur les trottoirs, plantés çà et là à scruter le ciel. Je ne pensais pas qu’une grosse lune orange pourrait tirer autant de personnes de leurs lits à 4 h du matin, surtout une nuit de dimanche à lundi. Sur le boulevard de Courcelles, un bonhomme se gèle tout seul avec son trépied. Sur le pont des Invalides, une troupe de touristes, tous tournés vers la tour Eiffel, donnent l’impression d’être restés là depuis le jour. D’où ils sont, la lune est trop haute. Nous poussons jusqu’au champ de Mars pour faire entrer la tour dans le cadre. Dans les allées du parc, même chose : une douzaine de photographes plus ou moins équipés, essaimés autour des pelouses, sont déjà là, dont au moins trois Chinois et deux Espagnols. La tour Eiffel éteinte ne se découpe pas du tout sur le ciel, comme je l’avais espéré. Heureusement que les équipes techniques travaillent sur les éclairages à ce moment précis1 et allument le monument par intermittence. Une tour Eiffel rose baveux-moche, c’est toujours mieux que pas de tour Eiffel du tout.
Une heure de recherche du bon emplacement, de mise au point micrométrique et d’attente que la tour se rallume plus tard, tout le monde au lit. Ne reste, 10 h plus tard, qu’un souvenir un peu vaporeux, comme si tout cela n’avait pas existé, et une photo correcte, sans plus plus, mais toujours montrable. Pour une première, c’est toujours ça. J’essaierai de faire mieux en 2033.
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1. Oui, bon, ça, je n’en sais rien. C’était peut-être tout simplement un chargé d’éclairage bourré ou un hackère du Internet mondial qui s’amusait avec le réseau de la Sete.