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Salut.
Je ne suis même pas sûr que tu recevras cette lettre. Là d’où je t’écris, Retour vers le futur est sorti depuis 23 ans et on n’a toujours pas vu l’ombre d’une De Lorean volante, ce qui me fait sérieusement douter sur la véracité des théories du professeur Brown. Mais en supposant que, tu devrais lire ces lignes le dimanche 21 février 1993 vers 14h30, soit juste après avoir reçu le Live After Death en cadeau d’anniversaire pour tes 15 piges.
C’est ton deuxième CD de Maiden après le maxi Run to the Hills / The Number of the Beast. Tu ne connais encore pas grand-chose à leur discographie, alors tu choisis les disques en fonction de la pochette. Le Live After Death t’a sauté aux yeux avec ses jolis tons, sa tombe et sa foudre. Je ne t’en voudrai pas, je l’ai moi-même eu en drapeau au-dessus de mon lit pendant des années. D’autant plus que le hasard a bien fait les choses : c’est un live ― je sais que le jeu de mots du titre a échappé à ton anglais seconde langue ― qui réunit l’essentiel de la discographie 1980-1984 du groupe, l’idéal pour l’aborder.
Ce CD que tu tiens est une de mes références de jeunesse. J’étais à peine plus vieux que toi quand je l’ai racheté en double vinyle et que je suis vite allé choper une cassette de 120 minutes au Prisunic pour le copier dessus parce que « le vinyle, c’est plus cool. » Grand bien m’en prit parce que sur la face 3, on trouve une surprise. Je ne t’en dis pas plus, ça gâcherait tout. Va plutôt l’acheter et fais la même chose. Écoute-le en boucle, ça te fera une bonne bande-son de lycée, ça te poussera à acheter le reste de la discographie et le jour où tu t’achèteras des intercalaires à CD, ta lettre I sera la plus fournie. Comme je sais que tous les lives que tu achèteras te feront rêver de 8 au 12 octobre 1984 à Long Beach, de 22 août 1992 à Donington et de 5 septembre 1992 à la Grande Halle de la Villette, je te promets de t’emmener les voir en vrai. Cela ne se fera pas sans mal d’autant plus que, je dois te le dire, Bruce Dickinson annoncera dans un mois qu’il quitte le groupe. Il reviendra, bien sûr, parce qu’on ne se défait jamais de ses premières amours, mais ça mettra le temps. On se fera quand même un Zénith avec un faux chanteur tous les deux le 16 novembre 1995, avant de retrouver un line-up plus tangible le 28 novembre 2006 dans un Bercy décevant mais pour la vraie soirée, celle que je promets de t’offrir, il faudra attendre le 1er juillet 2008. Je sais que c’est loin, tu auras changé d’ici là, partant vers de nouveaux horizons musicaux aux groupes dont les membres ne se connaissent même pas à l’heure où tu lis ces lignes, mais je suis certain que tu trouveras ton compte dans ce Bercy blindé et suant, scandant les « Maiden! *clap clap clap* » de ton futur présent d’ici là passé, à regarder toute l’équipe technique monter sur scène pour Heaven Can Wait comme dans la VHS de Donington, voir craquer les rampes de spots comme un bateau sans âme sur cet interminable Rime of the Ancient Mariner si souvent imaginé et distinguer cet impressionnant Eddie hanter le fond de scène sur Iron Maiden. Ils auront bien sûr vieilli d’ici là, Dickinson passera les solos en coulisses et courra moins vite, sa voix ira toujours aussi haut mais moins longtemps, Gers lancera sa guitare moins loin et Murray accusera un embonpoint édifiant, mais la limite ne sera pas encore atteinte. Nous n’en serons pas loin, mais pas encore là : McBrain explosera encore sa batterie en mugissant dans son micro, Harris fera toujours d’impressionnantes démonstrations de résistance au torticolis et de manière générale, ce sera le show mortel que tu veux. En revanche tu risques de ne pas aimer le rappel, bâclé entre Moonchild et The Clairvoyant, rattrapé par ton Hallowed Be Thy Name fétiche mais ruiné par un départ définitif sans le final que tu espères. Dans le métro tu me parleras de gâchis, tu me soutiendras que ce n’était pas le concert définitif synonyme de bouclage de boucle que tu voulais à cause de cette fin en eau de boudin, mais je te répondrai simplement que non, qu’à la limite je peux te poster un Running Free cuvée 1992 sur ton journal électronique pour te consoler, mais que c’est terminé, on passe à autre chose. Tu vois, je n’ai pas envie de recevoir de lettre datée du 2 juillet 2027 m’accusant de ne pas avoir été assez ferme et qu’à cause de mes conneries, une certaine personne de cinquante ans se sent aussi beauf qu’un fan de Johnny rempilant pour son cinquième stade de France. Ça va te sembler brutal, mais aujourd’hui j’arrête.
À moins que la prochaine fois je te chope un passe photo.
Ça fera un joli poster pour ta chambre.
Prends soin de toi et à bientôt,
Iron Maiden – Running Free (live at Donington, August 22nd, 1992)