J’avais prévu tout à fait autre chose comme note, mais ceci m’a donné une folle envie d’y faire écho comme cela :
On avait vécu une année 2005 riche en émotions, avec l’apparition d’un Arcade Fire innovant, la refonte d’un Black Rebel Motorcycle Club à maturation, la confirmation de Warlocks toujours aussi déchirés et, surtout, le pied-de-nez des White Stripes, s’étalant comme deux gamins dans 12 titres d’exotisme jovial là où tout le monde les attendait en sauveurs du rock n’roll électrique réinvestissant les boîtes de nuit. Get behind me, Satan, il n’en fut rien, loin de là même, les White préférèrent le marimba et l’ukulélé à la guitare électrisée et les cassures en rythme aux rythmes qui te laissent cassé. Ne jamais faire ce que l’on attend de vous, sous peine de se vautrer dans l’habitude, donc dans l’indifférence. Faire dans le toujours différent, jamais comme avant. L’année écoulée, je retiens Get Behind Me Satan plus qu’Howl ― malgré l’envol terre-à-terre ― et que Funeral ― malgré le brio ―, parce qu’il faut bien les classer. Il est des jours où un ex-æquo est dur à briser.
Deux ans plus tard, on recommence avec des mêmes, renouvelés. En piste dès mars, Arcade Fire voit tout en noir sur Neon Bible, alter-ego ténébreux de Funeral, en se laissant des puits de lumière échappatoire çà et là pour ne jamais baisser les bras. Album de l’année ? L’avenir nous le dira. Album du semestre, le passé nous le hurle. Un mois derrière, Black Rebel Motorcycle Club est redevenu un trio et fête ça en remettant le son à fond, expirant le blues, inspirant l’enfer. Honnête, Baby 81, l’album de la convalescence, cependant pas assez sur pied pour pouvoir rivaliser avec des Canadiens en pleine forme.
Puis au final, hier finit par sortir Icky Thump.
Annoncé en mars, découvert en avril, resté presque secret jusqu’à la presque toute fin, le 6e Stripes remet une couche de gras sur ce qu’ils étaient jusque-là. On les retrouve transfigurés : laissés à Détroit sur un album rouge au milieu de la jungle dans un vaste trip acoustico-pianiste, ils nous reviennent de Nashville sur un album noir au milieu d’un champ dans un bouillon de culture rock n’roll magnifique. Le contre-pied, toujours. Un écran de fumée, Get Behind Me Satan, détournant l’attention des faux pour raviver après-coup la flamme des vrais dès Icky Thump, leur meilleur simple depuis Fell in Love With a Girl. À son image, Icky Thump, l’album, mélange une masse d’influences jetées à coups de pinceaux rouge, noir et blanc et liées dans une mayonnaise musicale inexplicable que seul un White peut concocter. Les White Stripes sont l’unique groupe au monde capable de faire suivre une reprise au mariachi vitriolé d’un Patti Page des 50’s par un punk corrosif, une comptine écossaise puis une apocalypse enkiltée sans qu’on doute une seconde de la cohérence de l’enchaînement, la seule formation sachant tripoter la pop comme le blues, le garage comme le folk en restant de grands gamins et, surtout, en pondant tout ça à deux là où d’autres, à 5, 8 ou même 10, restent stérilement banals.
On verra dans 6 mois si Icky Thump sera l’album de l’année. Laisser passer l’effet de surprise pour voir ce qu’il en reste, comme un parfum dont on ne garde que la note de fond une fois celles de tête et de cœur envolées, une épreuve qu’a brillamment déjà passée Arcade Fire. Évidemment, dans 6 mois nous devrons également compter Kings of Leon, pondant leur meilleur album à ce jour, les surprises Cold War Kids, Ponys et I’m from Barcelona et les confirmations Arctic Monkeys et The Veils. Sans oublier que d’ici décembre, nous aurons vu revenir les Smashing Pumpkins, Interpol, PJ Harvey, les Warlocks (s’ils ne se sont pas suicidés) et allez, soyons fous, Radiohead. 2007 ne se résumera évidemment pas à Icky Thump et Neon Bible. Mais putain, il faudra se lever de bonne heure pour faire mieux que celui-ci et celui-là. Je vous souhaite bien du courage.