Des bribes. Tous les bouts de disques que je n’ai jamais possédés, mais écouté indirectement, dans la voiture familiale ou à travers la cloison de la chambre de la sœur. Un peu de Queen. Beaucoup de Supertramp, quelques Peter Gabriel — dont le duo Don’t Give Up, avec Kate Bush, pour toujours associé à un coucher de soleil savoyard de l’été 88 —, du Dire Straits et du Tears for Fears à foison dans l’autoradio, jusqu’au mix historique d’une cassette sur laquelle mon père avait enregistré le Trio pour piano et cordes no 2 de Schubert sur Woman in Chains, qui réapparaissait de plus en plus à chaque écoute, au point de partager l’espace sonore avec le piano allemand. De la piaule du bout du couloir, émanaient plutôt The Queen Is Dead des Smiths (que j’ai pris des années durant pour un duo homme/femme, à cause de l’auto-contre-chant suraigu de Morrissey sur le refrain de Big Mouth Strikes Again), Substance de Joy Division, Pornography et Kiss Me, Kiss Me, Kiss Me des Cure, puis Music for the Masses de Depeche Mode, Surfer Rosa des Pixies et The Story of the Clash, compile de 1988. Parfois trainaient ça et là des
Je ne possède aucun de ces disques, mis à part le Music for the Masses dont j’ai piqué le vinyle à la sœur avant d’acheter le CD en occase à Ann Arbor il y a 3 ans. Ils sont enterrés là, dans une sorte de couche sédimentaire de ma préhistoire. C’est quand je retombe dessus, au détour d’une soirée ou de la discothèque de tel ou tel gros, qu’ils me ramènent ces images de moi tripotant mes legos ou lisant mes Picsous, de pochettes d’albums — que je n’ai jamais écoutés mais qui m’ont marqué comme Country Life de Roxy Music, Powerage et If You Want Blood You’ve Got It d’AC/DC ou ce disque avec le magicien moustachu bizarre dont le titre et l’interprète m’échappent — traînant dans l’antre de la sœur ou de longueurs d’autoroutes qui me menaient en vacances. Comme une vieille pochette de photos rangée au fond d’une armoire. Une multitudes de petits chocs musicaux précédant le déclic.