« Travailla la chaîne » (2005) — Œuvre en 59 touillettes polypropylène enchâssées à la main, présentée ici avec l’aimable autorisation du MAPM (Musée d’Art en Plastique Moderne) des Hauts-de-Seine.
« Travailla la chaîne » est pour l’artiste l’expression ultime de sa sensation d’emboîter, jour après jour, des journées entière d’un travail méticuleux, dévoué, pour la gloire du pétrole joyeux et vainqueur. Le choix du matériau n’est pas anodin : des objets en plastique — matière essentiellement composée de pétrole — symbolisant le premier élément de toute journée de travail qui se respecte, la première brique sur laquelle tout travailleur bâtit quotidiennement ses huit heures de travail : la touillette à café. L’ustensile transmet de la main de son utilisateur au breuvage qu’il convoite sa première initiative dynamique du jour : le remous du mélange de liquide et de sucre nécessaires au réveil matinal du cerveau. Plus qu’un signal de départ, la touillette à café est un véritable catalyseur d’énergie laborieuse.
Le savant enchevêtrement dans lequel sont associées les touillettes est un choix délibéré de l’artiste : passer ses semaines au bureau, débuter chaque journée par les mêmes rites incessants, tout cela ne se résume-t-il pas, au bout du compte, à aligner inlassablement, jour après jour, des cartons entiers de touillettes usagées ? La nature elle-même de la chaîne, lien oppresseur retenant l’honnête homme au travail — du latin tripallium, instrument de torture — traduit bien l’appel au secours de l’artiste à travers son œuvre : « Je suis un Clamart enchaîné », semble-t-il clamer à la face du monde.
« Travailla la chaîne » est le paroxysme de la quintessente expression de l’angoisse face à la vie professionnelle, de la peur de pénétrer dans un tunnel dont on ne voit pas le bout, du souhait d’exorcisation des démons du quotidien : la pureté de la blancheur omniprésente de l’œuvre tranche radicalement avec la couleur du noir pétrole qui occupe les journées de travail, lui conférant une bienheureuse portée optimiste. Le fait que cette blancheur soit issue de ce même pétrole traduit l’espoir d’une lumière future, d’un avenir radieux, d’un destin « déchaîné ». Il y a de la lumière au bout du tunnel.
Œuvre unique, 4 762 €, frais de port inclus.
Bande-son: Samuel Barber – Adagio pour cordes