Est-ce un avion ? Est-ce une soucoupe ? Non, c’est la cymbale volante du batt(el)eur de Battles (je vois pas l’intérêt, mais bon)
Il arrive qu’on passe des soirées étranges, dans la vie. Il y a cette salle minuscule dont l’entrée est dans une ruelle pourrie. Il y a cette barmaid esseulée qui attend derrière son comptoir. Il y a cette fille, au stand merchandising, qui renverse sa bière sur les t-shirts qu’elle doit vendre. Il y a ces 60 personnes — pas plus, juré — qui attendent le début de la soirée sans montrer de signe extérieur d’impatience.
Puis il y a ce groupe étrange, Battles, dont la principale particularité est cette batterie avec une cymbale à 1 mètre 50 de haut, dont je ne comprends toujours pas l’utilité. Quand leur set commence, on croit encore entendre les essais de sons ! Pendant une demi-heure, le quartet nous livre une musique expérimentale, étrange (décidément, c’est le mot, oui). Battles donne l’impression d’être là pour s’éclater, sans trop faire gaffe à la salle. La salle, justement, qui semble s’ennuyer sec. Sur scène, ça se réduit à des chansons interminables, parfois intéressantes, mais qui tournent rapidement en concours de clavier-guitare. Je reste quand même épaté par le batteur, qui multiplie les rythmes techno et qui finit son set complètement liquéfié.
Dead Meadow font mieux, dans un rock largement inspiré Pink Floyd, avec des paroles rares et difficilement compréhensibles. Leurs titres sont tous sur le même modèle, avec un démarrage calme et une évolution qui tend vers quelque chose de plus stressé, trippant. Les 40 personnes présentes — ça baisse vite, oui — ne semblent pas pour autant emballées, et Dead Meadow laisse vite la place à l’affiche de la soirée.
Et une fois de plus, ça va être étrange. The Icarus Line déboule à toute allure et attaque un set aux titres rapides et aux pauses éclaires, qui permettent juste à Joe Cardamone de refaire le plein de bière.
Cardamone, justement, qui rappelle terriblement Iggy Pop dans sa jeunesse. Le mec hurle, enlaçant son pied de micro, pendant qu’Alvin Deguzman fait des allers-retours vers son ampli, histoire de faire part au public des découvertes expérimentales du professeur Larsen. Jeff Watson est hystérique sur sa batterie. Seuls Aaron North sur sa guitare et Lance Arnao, plus calme sur sa basse, restent en retrait.
The Icarus Line a un son brut, agressif, rapide, sans concession. Très inspiré Stooges, comme son chanteur. La sono va très fort (trop fort peut-être, vu la taille du Shelter). Mais, la soirée étant étrange, la salle réagit étrangement : à part le mec en transe au premier rang — j’ai rarement vu quelqu’un être à ce point à fond dans un concert —, personne ne bouge. Pire : les gens se barrent. Il n’y a aucune communication entre le groupe et le (son ?) public, personne ne parle sur scène, ça applaudit poliment dans la salle, on nage en pleine 4e dimension. The Icarus Line, motivés en aucune façon par l’immense foule de 20 personnes — barmaid désœuvrée incluse — quitte la scène sans dire au revoir et, bien entendu, sans aucun rappel. On avait forcé les gens à venir contre leur gré ce soir ou quoi ?
Benjamin Biolay – La Ballade du mois de juin (feat. Chiara Mastroianni)